NERVA

NERVA est un programme de recherche relatif à la propulsion nucléaire thermique, mené aux États-Unis par la NASA entre 1960 et 1972.



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Bon article - National Aeronautics and Space Administration - Réacteur nucléaire américain - Propulsion nucléaire (astronautique)

NERVA (Nuclear Engine for Rocket Vehicle Application - moteur nucléaire pour application moteur-fusée) est un programme de recherche relatif à la propulsion nucléaire thermique, mené aux États-Unis par la NASA entre 1960 et 1972. De nombreux prototypes de réacteur sont testés dans le cadre de ce programme dont l'objectif est de participer au développement d'un véhicule en vue d'une mission spatiale habitée vers la planète Mars.

La technologie de propulsion étudiée consiste en l'éjection à grande vitesse d'hydrogène réchauffé par un réacteur nucléaire. En 1968 et 1969, un modèle expérimental d'une poussée de 250 à 350 kN fut essayé au sol.

Historique

Les études de propulsion nucléaire thermique furent lancées en 1955 par l'ÆC et le contractant Westinghouse sous le nom de projet Rover et avec pour but le développement de missiles.

À la création de la NASA en 1958, elle fut associée au projet y ajoutant les objectifs d'exploration spatiale. Le développement vraiment orienté vers la propulsion commença en 1961 sous l'expression NERVA. Son but n'était pas de fabriquer un moteur directement conçu pour une expérimentation spatiale, mais de proposer un démonstrateur validant la technologie et servant à caractériser exactement ce moyen de propulsion suivant les exigences des missions envisageables dans les 20 années à venir. Ainsi, les critères de sûreté et fiabilité du dispositif primaient sur le poids et les performances, qui plus est , il devait pouvoir être démonté, remonté et testé en cours de mission.

Le développement se fit autour du concept de réacteur à modérateur graphite et caloporteur hydrogène, pendant ce temps une activité moindre concernait l'étude de technologies plus risquées et plus performantes telles que les réacteurs à lit de boulets, à cœur liquide ou gazeux. Malgré les innombrables difficultés techniques inhérentes à un concept aussi nouveau, le projet avança rapidement et aboutit en 1969 au test au sol d'un moteur presque qualifié pour le vol.

Le projet résista longtemps aux velléités de coupes budgétaires du Congrès, surtout grâce au soutien du sénateur Clinton P. Anderson qui l'appuya au détriment du projet Grand Tour [1]. Mais en 1971, tandis qu'était en cours de conception un dernier étage de fusée Saturn à base de moteur NERVA réutilisable, la NASA en repli avec la fin du programme Apollo n'avait pas de mission envisagée pour cette propulsion dans les dix ans à venir ; le budget alloué ne fut que d'un cinquième de celui indispensable et ne porta que sur quelques développements d'équipements critiques[2]. Le programme prit officiellement fin en 1972 et les applications nucléaires spatiales se cantonnèrent ensuite aux sources d'énergie pour alimenter les missions.

Le projet coûta 1, 4 milliards de dollars de 1972, soit 9, 6 milliards en dollars de 1991.

Cette technologie fut un temps remise au goût du jour du fait des besoins exprimés par l'Initiative d'exploration spatiale (Space Exploration Initiative ou SEI), initié par George Bush en 1989), à savoir la réduction de taille, poids, coût et durée de voyage des véhicules spatiaux. Ces exigences imposent un progrès de l'impulsion spécifique au delà des possibilités de la propulsion chimique conventionnelle. La propulsion nucléaire thermique semblait alors l'unique option accessible[3].

Essais

Les nombreux essais se déroulèrent sur le site d'essais nucléaires du Nevada à Jackass Flats [4]. Ils avaient pour but une mise au point progressive d'un réacteur basé sur des matériaux dont les comportements aux températures et pressions d'utilisation étaient originellement inconnus. Des réacteurs maquettes (Honeycomb et Zepo) furent nécessaires pour modéliser les caractéristiques neutroniques d'un dispositif graphite/hydrogène.

La première série de prototypes fut appelée Kiwi selon l'oiseau terrestre et en référence au fait qu'ils n'étaient totalement pas conçus pour le vol. KIWI-A généra une puissance de 70 MW et éjectait l'hydrogène à 2 683 K.

Chronologie des principaux essais de réacteurs nucléaires
Programme NERVA Recherche
test
réacteur
test
moteur
Kiwi Phœbus Pewee Nuclear
Furnace
1959 Kiwi A
Kiwi A'
1960 Kiwi A3
1961 Kiwi B1A
1962 Kiwi B1B
Kiwi B4A
1963
1964 NRX-A1
NRX-A2
Kiwi B4D
Kiwi B4E
1965 NRX-A3 Kiwi TNT Phœbus 1A
1966 NRX-A5 NRX/EST
1967 NRX-A6 Phœbus 1B
1968 XECF Phœbus 2A Pewee
1969 XE
1970
1971
1972 NF-1
Le réacteur de recherche Kiwi-A'
Le test KIWI-TNT où le réacteur est détruit volontairement pour simuler un accident en cours de fonctionnement
Le moteur XE en cours de montage sur ETS-1


Les moteurs NERVA étaient dérivés des réacteurs Kiwi-B et étaient conçus dans l'optique de missions lunaires avancées ou de missions martiennes habitées, impliquant des véhicules pesant 700 à 1 400 t avec un dispositif de propulsion de 900 kN de poussée et une impulsion spécifique supérieure à 800 s. Il fut prévu que ces dispositifs utilisent plusieurs moteurs semblables : un modèle de 330 kN de poussée, 825 s d'Isp atteignant 1 000 MW de puissance.

La première version appelée NRX (Nuclear Reactor Experimental) ne comprenait pas le dispositif d'alimentation ni le divergent de la tuyère. Son objectif était de pouvoir fonctionner une heure à 2 300 K, soit le temps indispensable à une manœuvre de transfert vers Mars. L'expérimentation fut un succès et incita à passer rapidement aux tests en configuration de vol.

En 1966, le réacteur suivant NRX/EST (Engine System Test) était par conséquent équipé de turbopompes et d'une tuyère complète. En plus de l'endurance, il devait tester les régimes intermédiaires, arrêts et redémarrages multiples. Ces essais furent plus que satisfaisants, accomplissant ainsi les objectifs initiaux du projet Rover. Les essais suivants apportèrent diverses améliorations qui amenèrent en 1969 à la construction du moteur XE et de son banc de test vertical dépressurisé ETS-1 (Engine Test Stand). Cet ultime modèle comprenait l'ensemble des sous-dispositifs critiques définitifs et pouvait démarrer et se réguler de façon autonome. Il atteignit une température de 2 270 K et une Isp de 710 s.

Parallèlement à ces essais, d'autres réacteurs validaient des techniques alternatives :

À la fin du projet, la conception prévoyait plusieurs améliorations donnant la possibilité un fonctionnement à 2 500 K et une Isp de 890 s. Dans le même temps, une évolution technologique baptisée ENABLER devait permettre au moteur d'atteindre 2 700 K et une Isp de 925 s grâce à un nouveau type de combustible qui ne fut testé que dans NF-1.

La totalité des essais dégagèrent plus de 6 GWh d'énergie.

Carburant nucléaire
Configuration des barres de carburant

Le combustible nucléaire est constitué d'un substrat de graphite, ensemencé de particules micrométriques de dioxyde d'uranium UO2 (KIWI A à B4D), ou de perles de 100 µm de carbure d'uranium UC2 enrobées de carbone pyrolitique (KIWI B4E, NERVA, Phœbus et Pewee). Dans la version ENABLER, le combustible est en matrice composite de graphite contenant 35% volumiques de dispersion de carbure d'uranium et de zirconium (U, Zr) C.

Le matériau est sous forme de barres percées de canaux de passage[5], obtenues par extrusion d'un mélange farine de graphite-combustible-résine liante. Elles sont ensuite cuites lentement pour lier la résine, puis fortement pour les re-graphiter.

Le choix du substrat en graphite était justifié par ses caractéristiques neutroniques et sa résistance aux hautes températures. Cependant, l'hydrogène réagit à son contact et entraîne une corrosion importante du cœur, c'est pourquoi les barres sont revêtues d'une pellicule de 0, 05 mm de carbure de niobium ou de carbure de zirconium. Le revêtement est réalisé par dépôt chimique en phase vapeur, ou par insertion dans les canaux de tubes de niobium transformés en couche de carbure NbC par chauffage jusqu'à la température d'eutectique carbone+niobium.

Néanmoins, ce revêtement n'empêche pas totalement la dégradation du cœur par divers mécanismes (corrosion et diffusion), d'environ 1 g/min pour la totalité d'un réacteur NRX. Dans NRX-A6, une fine couche de molybdène est ajoutée sur les barres pour combler les micro-fissures de la couche protectrice, diminuant les pertes à 0, 2 g/min.

Avec ENABLER, la structure composite du combustible et la couche protectrice en ZrC diminuent toujours les pertes grâce à des cœfficients de dilatation plus compatibles, préservant ainsi le revêtement de déformations mécaniques fissurantes ou décollantes.

Dans la conception finale, l'assemblage est réalisé autour de barres spécifiques refroidies par le circuit de régénération. Ces barres permettent de relier 2 à 6 barres de combustible et contiennent un élément modérateur en zirconium hybride (ZrH). Ainsi, la puissance du réacteur assemblé peut être réglée non seulement par la longueur des barres (90 cm ou 1, 30 m), mais également par la proportion de barres d'assemblages (de 1/6 à 1/2) [6].

Voie d'écoulement

Dessin en coupe du moteur NERVA

En régime établi, l'hydrogène emprunte le circuit suivant :

  • poussé par la pression du réservoir jusqu'au moteur en passant par un cardan permettant d'orienter la poussée du réacteur ;
  • comprimé par des turbopompes ;
  • passe par le circuit de régénération de la tuyère ;
  • remonte par la double paroi du col de la tuyère pour être distribué dans les organes périphériques du réacteur (réflecteur de neutrons, barres de contrôle et enceinte pressurisée)  ;
  • remonté au sommet du réacteur, l'hydrogène est envoyé dans le cœur d'où il s'échappe surchauffé vers la tuyère ;
Cycles d'alimentation des turbopompes

L'entraînement des turbopompes est assuré par un cycle à prélèvement chaud (hot bleed cycle)  : de l'hydrogène chauffé par le réacteur est soutiré avant le col de la tuyère pour entraîner les turbopompes puis est rejeté dans l'espace. Ce flot d'hydrogène représente à peu près 3% du débit, il s'échappe avec une enthalpie moindre et ne contribue que particulièrement marginalement à la propulsion, il pénalise par conséquent l'impulsion spécifique.

Cette conception, choisie pour des raisons de simplicité, peut être perfectionnée en utilisant un cycle à passsage intégral amont (full flow topping cycle) dans lequel les turbines sont entraînées par l'hydrogène chauffé avant son entrée dans le réacteur. Ce principe plus efficace était jugé faisable[7] mais ne fut pas expérimenté.

Si ce cycle ne gaspille aucun fluide, il souffre par contre d'une limitation inhérente aux dimensions du moteur NERVA : soit le circuit de régénération ne chauffe pas suffisamment le fluide et le débit de la pompe est limité, réduisant la poussée envisageable; soit on prélève plus de chaleur au niveau du col de la tuyère pour développer plus de puissance au niveau de la pompe, mais cela aura été obtenu au détriment de la température du fluide éjecté par la tuyère, réduisant alors l'impulsion spécifique[8].

Plusieurs solutions permettaient d'envisager néanmoins le cycle amont avec un réacteur NERVA. On préconisa par exemple d'ensemencer le réflecteur avec du combustible nucléaire afin d'augmenter la température périphérique du réacteur[9]. La solution la plus citée consiste à diviser le flot d'hydrogène sortant des pompes : une partie passe dans le circuit de régénération et ne prélève à la tuyère que la quantité de chaleur indispensable à la préservation des matériaux; l'autre partie est envoyée dans le cœur du réacteur par le circuit des tubes de support du combustible[8], [10] puis vers les turbopompes, l'alimentation est alors implémentée par l'augmentation de la puissance du réacteur, sans incidence sur la poussée ou l'impulsion.

Spécification d'étage de fusée NERVA

De nombreuses configurations de véhicule ou d'étage à base de moteur NERVA ont été proposées pendant et après le projet. Ci-dessous sont présentées les caractéristiques de trois de ces configurations :

  • Saturn C-3BN : proposition de remplacement du dernier étage S-IVB des fusées Saturn C-3 par un étage nucléaire ;
  • Saturn V-25 (S) U : la fusée proposée par Bœing permet de mettre en orbite basse un étage NERVA, cinq de ces étages sont ensuite assemblés pour former un véhicule habité à destination de Mars ;
  • Nerva 2 : actualisation du concept NERVA en 1991.
Année 1961 1969 1991
Véhicule Saturn C-3BN Saturn V-25 (S) U Nerva 2
Étagement LOX/Kérosène
LOX/LH2
Saturn S-N C-3BN
4 boosters solides
LOX/Kérosène
LOX/LH2
Saturn S-N V-25 (S) U
2 boosters Titan
NERVA 2/NTR
étage NERVA
Nom moteur NERVA NERVA NERVA NTR
Isp 800 s 825 s 925 s
Poussée (vide) 266 kN 889 kN 333 kN
Temps d'allumage 720 s 1500 s 3575 s
Diamètre 10, 1 m 10, 1 m 10, 0 m
Hauteur 16, 6 m 48, 2 m 47, 6 m
Masse initiale 32, 5 t 245 t 158 t
Masse sèche 7, 7 t 71 t 27 t

Dans la fiction

Dans le roman uchronique Voyage de Stephen Baxter, Richard Nixon lance à l'instar de Kennedy un programme d'exploration martienne basé sur l'utilisation de fusées Apollo-N à réacteur NERVA.

Sources

Notes et références

  1. Andrew J. Butrica, «§11. Voyager : The Grand Tour of Big Science», 1998, From engineering science to big science, Nasa History Division. Consulté le 20/10/2006
  2. T. A. Heppenheimer, «§9. Nixon's decision», 1999, The Space Shuttle decision, Nasa History Division. Consulté le 20/10/2006
  3. John E. Pike, «Space Exploration Initiative - Nuclear Thermal Propulsion», Federation of American Scientists. Consulté le 20/10/2006
  4. Les installations du Nuclear Rocket Development Station (NRDS) sont toujours visible ici : 36° 49′ 52″ N 116° 16′ 43″ W / 36.8311, -116.2786
  5. KIWI A'et A3 : cylindres 1/6 de longueur, ∅ 19mm, à 4 canaux; KIWI B1A : cylindre 1/2 longueur à 7 canaux; à partir de KIWI B4A : prisme hexagonal 19 mm x 1, 3 m à 19 canaux de 2, 54 mm
  6. (en) [pdf] Stanley K. Borowski, Robert R. Corban, Melissa L. McGuire et Erik G. Beke, «Nuclear Thermal Rocket/Vehicle Design Options for Future NASA Missions to the Moon and Mars», 1993, AIAA. Consulté le 04-12-2006
  7. (en) [pdf] Warren J. Whitney, «Analysis of turbopump feed systems for hydrogen-nuclear rockets», 1965, NASA. Consulté le 23-06-2008
  8. ab (en) [pdf] Stanley Gunn, «NERVA Upgrade : non-nuclear components», 1992, NASA. Consulté le 23-06-2008
  9. (en) [pdf] Paul F. Herrmann, «Parametric study of neutronic effects of fueled peripheral reflectors in graphite-core nuclear rocket reactors», 1968, LeRC. Consulté le 26-06-2008
  10. (en) [pdf] J. D. Balcomb, «Preliminary Mission Studies for a Small Nuclear Engine», 1972, Los Alamos Scientific Laboratory. Consulté le 26-06-2008

Liens externes

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"I. Le projet ROVER-NERVA"

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